Situation

Les gilets jaunes et l’extrême droite

Investiture de Bolsonaro, légion d’honneur à Houellebecq, shutdown aux Etats-Unis pour la construction d’un mur anti-migrants… Les derniers échos des couilloneries médiatiques attestent à tout moment le retour en force des néo-nationalismes et les crispations politiques autour du faux problème des « migrants ». Les faits sont là : il se constitue, mondialement comme dans chaque pays, un arc d’extrême droite, c’est-à-dire pas forcément un mouvement, un parti ou des groupes organisés, mais des formes de pensée, d’action, de gouvernement qui relèvent de l’extrême droite — et cela, en Macronie, du maniement agile de la matraque et de l’expulsion à la diffusion inquiétante des idées « anti-multiculturalistes ».

On se doute bien que le mouvement des gilets jaunes ne s’est pas trouvé mystérieusement indemne de cette lame de fond. Il y a toutes les raisons de se réjouir des nouvelles formes d’amitié et de révoltes qui ont été vécues sur les ronds-points et dans les centre-villes. Mais depuis le déclin du mouvement, il y a aussi toutes les raisons d’être inquiet, au regard, par exemple, de ce qui s’est passé à Maidan (Ukraine), et en Italie.

L’extrême droite, qui a fait là son retour dans la rue – de façon certes assez anecdotique -, est surtout présente dans les esprits. Ses thèmes figurent dans les revendications des gilets jaunes ; ses médias et ses réseaux sociaux diffusent efficacement leur point de vue sur les événements. Le patriotisme fier et le moralisme économique de nombreux gilets jaunes témoignent de ces affinités. Il semble en outre que le mouvement des gilets jaunes puisse déboucher sur un succès électoral écrasant des nationalistes. Triste issue pour un mouvement bâti sur le discrédit de la politique traditionnelle.

C’est dans ce contexte et du fait de ces inquiétudes qu’il nous a paru pertinent de republier un article paru sur La Horde au sujet des rapports entre gilets jaunes et extrême droite. Cet article analyse assez finement la portée réelle de l’extrême droite sur le mouvement. Si rien n’est joué pour autant, des initiatives autrement plus désirables, comme celles des gilets jaunes de Commercy qui promeuvent une coordination d’assemblées populaires, peinent pour l’instant à trouver des assises réelles au sein du mouvement…

S’inquiéter de la présence de l’extrême droite dans le mouvement des gilets jaunes entraîne inévitablement un certain nombre de critiques : ce serait une façon de dénigrer un mouvement populaire, voire le reflet d’un mépris de classe qui voudrait que les gilets jaunes soient forcément des racistes prêts à suivre le premier facho venu. Il est donc nécessaire de rappeler que nous, antifascistes anticapitalistes, sommes capables de faire la part des choses, et de proposer, comme n’importe qui, des analyses de ce mouvement sous un angle particulier, celui de la lutte contre l’extrême droite, sans qu’elles soient simplistes, réductrices ou moralisatrices.

Si nous pensons qu’il est plus que nécessaire de rappeler le rôle nuisible de l’extrême droite dans un mouvement de ce type, c’est parce que justement nous pensons que tout n’est pas joué. Pour construire quelque chose au-delà de la colère, les gilets jaunes vont devoir se rassembler autour d’un certain nombre de valeurs : et c’est là que non seulement nous ne croyons plus au mariage de la carpe et du lapin, mais que la question de la pénétration des idées d’extrême droite est cruciale. Car il est malheureusement à craindre qu’une colère légitime qui ne s’affirmerait pas dans la défense d’une société égalitaire et ouverte, débouche finalement sur un durcissement du régime et de ses institutions, avec en prime un détournement du ressentiment populaire en direction des populations les plus fragiles, migrant.es en tête.

Un mouvement relativement inédit

Sur ce point, tout le monde s’accorde : les gilets jaunes forment un mouvement assez inédit dans sa structuration, son fonctionnement et ses pratiques, qui rompt avec toute forme d’organisation, et ne rentrent donc pas dans les grilles de lectures classiques des mouvements politiques. Spontanés, réfractaires à toute forme d’organisation traditionnelles (syndicat, association, parti politique) les gilets jaunes adoptent des modes d’apparition et d’expression qui ne sont pas traditionnels : communication uniquement via Facebook, absence de dépôt de manif et d’objectif hormis occuper un lieu, un espace. Ces « nouveautés » du mouvement sont cependant relatives, car les mouvements lycéens les ont adoptés depuis plusieurs années déjà.

Mais il faut reconnaître, et c’est déjà là leur première victoire, que les gilets jaunes ont mis à l’amende les « champions » du marketing politique de la République en Marche, en les battant sur leur propre terrain, celui de la communication numérique, et ce sans faire appel à toutes les techniques de com’ appliquées par les grandes entreprises ou les jeunes loups de LREM.

Sous les gilets, deux visions du monde…

Là encore, n’importe qui peut constater que le mouvement est très hétérogène : entre les gens mobilisés sur les ronds points, les multiples porte-parole souvent décriés, celles et ceux qui se mobilisent sur Paris pour aller sur les Champs-Élysées, les multiples groupes constitués sur les réseaux sociaux, on peine à s’y retrouver. Mais cela fait maintenant cinq semaines qu’il dure et, même si les choses restent complexes surtout localement, deux tendances qui existent en son sein depuis l’origine commencent à se dégager. 

La permanence de la députée LREM à Saint-Nazaire repeinte en jaune, avec des revendications sans ambiguïtés.

D’une part, on entend des gilets jaunes qui réclament plus de justice sociale, qui dénoncent l’exploitation, la misère, qui parlent de bien commun, de défense des services publics, d’environnement même, et qui le revendiquent pour toutes et tous, quelque soit leur origine. Ce sont pour l’essentiel des travailleurs pauvres, de petits employés, des ouvriers. Ces gilets jaunes sont souvent rejoints par des syndicalistes, des militant.es de la gauche anticapitaliste ; la brochure de Syllepses a publié leurs nombreux appels et textes de revendication. Ce sont celles et ceux qui, à Paris, se sont retrouvé.es nassé.es à Saint-Lazare hier [le 15 décembre].

Mais, d’autre part, il y a les gilets jaunes qui, avant toute chose, se plaignent de la « pression fiscale » exercée sur les artisans, les petits commerçants, les petits patrons, qui revendiquent de pouvoir « jouir du fruit de leur travail » en toute liberté, qui réclament la mise en place de référendums d’initiative citoyenne, tout en revendiquant leur « apolitisme »… Ce sont ces gilets jaunes qui dominent sur les réseaux sociaux, qui sont invités à la télé. Ce sont les gilets jaunes qui se sont, en masse, rassemblés à Opéra, pour écouter une allocution de leurs représentants, Priscilla Ludosky, qui est à l’origine de la première pétition contre la hausse du prix des carburants, et Maxime Nicolle, alias Fly Rider, un youtubeur populaire qui ne répugne pas au complotisme.

Les « porte-parole » des Gilets jaunes à Opéra, samedi 15 décembre 2018.

… avec des points de convergence

Ces deux tendances se retrouvent malgré tout dans une détestation du pouvoir en place en général et du président en particulier, une volonté de reprendre ses affaires en main, un sentiment de dignité retrouvée. On peut noter également qu’en dehors du gilet jaune, le mouvement, toutes tendances confondues, n’est pas très inventif, et peine à créer ses propres codes : c’est le plus souvent le drapeau français qui flotte sur les ronds-points, et la Marseillaise qui fait office de chant de révolte, d’union, et peut-être aussi de victoire (la coupe du monde est passée par là !). Ils représentent les plus petits dénominateurs communs aux gilets jaunes ; mais il nous faut quand même questionner cette référence aux symbole nationaux, cette fierté nationale assumée, surtout dans un mouvement qui se construit aussi dans une opposition à l’Etat…

Par ailleurs, il est vrai aussi que les éléments les plus déterminés des deux tendances peuvent sporadiquement se retrouver dans l’émeute, situation confuse par nature, et dans ce cadre agir de concert. On veut bien entendre aussi que les gens peuvent légitimement descendre dans la rue sans défendre d’idées précises, sans orientation idéologique claire, simplement animé.es par la volonté d’en découdre face à un pouvoir méprisant et agressif.

Une répression toujours plus forte

Car face à ce mouvement hétéroclite, la répression de la part de l’État a été particulièrement brutale : des centaines de blessé.es, des milliers d’interpelé.es et de gardé.es à vue… Ce n’est certes pas une surprise. Les quartiers populaires la subissent depuis longtemps, tandis que du côté des mouvements sociaux, le mouvement anti-CPE en 2006 l’avait annoncé, cette stratégie de la terreur policière s’est plus encore affirmée dans la lutte contre la loi El-Khomri et à l’encontre des mouvements lycéens de ces dernières années.

Mais en un mois, force est de constater qu’elle s’est désormais banalisée. Personne n’y a échappé, que ce soit à un rond-point d’une petite ville, aux contrôles avant les mobilisations, aux péages ou dans les gares. L’Etat, même après un changement de tête à l’exécutif, continue ainsi dans sa nouvelle stratégie de maintien de l’ordre, qui consiste à décourager les gens de venir s’exprimer en leur faisant peur et mal. L’usage du flash-ball en manifestation est devenu banal pour les forces répressives de l’Etat, comme celle de viser pour blesser et mutiler. N’oublions pas les différents types de grenades utilisées lancées en direction de regroupement de manifestants, afin que l’engin au moment de la déflagration fasse un maximum de dégâts.

Le maintien de l’ordre est passé de la gestion de foule à une vision militarisée des événements, avec l’utilisation d’équipement dont la finalité n’est pas de repousser les manifestants, mais de blesser physiquement. À ce jeu-là on se demande à qui profite le crime. Même si quelques-uns à l’extrême droite dénoncent cette répression, beaucoup rêvent d’un « ordre » tel que celui mis en place aujourd’hui…

L’extrême droite dans la rue

Pour reprendre une analyse développée dans un texte publié sur Lundi matin il y a quelques jours, et qui faisait le parallèle entre la situation actuelle en France et les rassemblements de Maïdan en Ukraine en 2014, nous sommes conscients que « la présence de l’extrême droite [dans la rue] ne signifie pas son hégémonie. » Autrement dit, pour que les choses soient tout à fait claires, nous ne pensons pas, et n’avons jamais pensé, que l’extrême droite était à la manœuvre dans ce mouvement, que les gilets jaunes étaient manipulés par des formations nationalistes. Mais ce n’est pas non plus par hasard si des groupes et des personnalités d’extrême droite s’y sont dès le départ associés, contrairement, par exemple, au mouvement contre la loi Travail en 2016-2017.

Dès les premières manifestations parisiennes, l’extrême droite a pointé son nez, de différentes façons. Souvent de façon individuelle, des militants et quelques responsables nationalistes ont enfilé un gilet jaune et se sont mêlés aux manifs ou aux blocages le temps d’un selfie posté aussitôt sur les réseaux sociaux : Génération identitaire, Dissidence française, Parti de la France, Civitas, Bastion social, les militants de ces groupuscules ont ainsi pu à moindre frais se sentir enfin faire partie d’un mouvement social « du peuple ». Des nationalistes russes et des fascistes italiens de Casapound ont aussi fait des apparitions…

Des catholiques intégristes de Civitas, en haut, aux abrutis du GUD, en bas, tout le petit monde de l’extrême droite radicale était de sortie…

Il y a également des groupes affinitaires de militants plus ou moins jeunes, de différentes formations, qui se sont organisés soit pour tenter de prendre la tête des gilets jaunes, comme on l’a montré ici, soit dans le but d’aller à l’affrontement, à la fois avec la police et avec tout ce qui pourrait être identifié comme « de gauche » : c’est le cas des Zouaves Paris, composés d’anciens du GUD, et de façon aléatoire de membres de Génération Identitaire, de l’Action française et de supporters de foot d’extrême droite.

Les Zouaves parisiens en gilets jaunes.

Enfin, mais cela a été plus rare, certaines formations nationalistes ont tenté des apparitions politiques revendiquées : c’est le cas en particulier de l’Action Française, le samedi 1er décembre devant la bourse de Paris, ou encore à Bordeaux ou Toulouse. Avec comme slogan « Aujourd’hui l’anarchie, demain la monarchie ! » ses militants se sont pas mal agités ces derniers jours, en faisant plusieurs actions symboliques. À Lyon, Génération identitaire a réussi à mettre sa banderole en tête de cortège la semaine dernière, et ce week-end, c’était au tour du Bastion Social et du groupe la Montagne (dirigé par David Berton, ex-FN) à Chambéry, sans que personne n’ait tenté de les virer de la manif…1

Le Bastion social en tête de manif des Gilets jaunes à Chambéry.

Certains militants d’extrême droite ont même tenté de s’auto-proclamer porte-parole des gilets jaunes, comme Patrick Bunel par exemple, un ancien du DPS, a voulu le faire à Caen. La plupart d’entre eux ont assez rapidement été démasqués, mais parfois la proximité avec l’extrême droite ne pose finalement pas plus de problème que ça, comme dans le cas de Benjamin Cauchy. Le Rassemblement national de Marine Le Pen, quant à lui, est resté discret, sachant que tout vient à point à qui sait attendre.

Mais finalement, la faiblesse organisationnelle et militante des mouvements d’extrême droite en France, leurs profondes divisions et l’absence de leadership incontesté, et la nécessité pour eux de se ranger derrière sinon un leader, au moins une figure à suivre (alors que les gilets jaunes forment un mouvement horizontal), tout cela rend la présence effective de l’extrême droite parmi les gilets jaunes assez anecdotique. On est pour l’instant très loin en tout cas de ce qu’on avait pu observer en janvier 2014, avec « Jour de Colère », où des « bonnets rouges » avaient tranquillement défilé dans Paris aux côtés de Civitas, du GUD et des soutiens de Dieudonné, qui menaient la danse… Ce précédent ne doit cependant pas être oublié.

Des Bonnets rouges (et même un gilet jaune, déjà !), à la manif d’extrême droite de janvier 2014, aux côtés du GUD, de Civitas et de Dieudonné…

L’extrême droite dans les têtes

Tout au long du mouvement, des gilets jaunes antifascistes et des antifascistes portant des gilets jaunes se sont opposé.es physiquement à la présence des militants d’extrême droite, souvent avec succès : ne pas laisser le mouvement à l’extrême droite était une première nécessité, et il fallait bien pour cela investir le mouvement des gilets jaunes, plutôt que le condamner d’emblée comme un mouvement réactionnaire dont il n’y aurait rien à tirer. Malgré tout, les idées qui traversent ce mouvement n’invitent pas à beaucoup d’optimisme sur ce qui pourrait en sortir. L’extrême droite, elle aussi, sent bien que le mouvement des gilets jaunes, de par ses origines et sa nature, lui offre de nombreuses opportunités. Et c’est bien le problème…

Vus à Paris (photos : Serge d’Ignazio)

La concentration des critiques (légitimes, cela va sans dire) sur la seule personne du président de la République, le slogan « Macron démission » étant sûrement le plus consensuel du mouvement, est déjà une aubaine électorale pour l’extrême droite. Est-il vraiment nécessaire de rappeler qu’en mai 2017, c’est Marine Le Pen qui incarnait l’opposition au futur président honni ? Le Rassemblement national l’a bien compris : « Ne cassez pas, vous pouvez vous exprimer autrement, il y a des élections bientôt… Macron ne pourra pas éviter une dissolution, ce n’est pas possible ! » déclarait ainsi le 3 décembre dernier Ludovic Marchetti, délégué départemental dans le Loiret. On pourrait nous répondre que les gilets jaunes est un mouvement d’abstentionnistes, mais il y a quand même 7 millions de Français qui ont voté FN au premier tour, et 10 millions au second. Certains l’ont fait car était pour eux un vote protestataire et non de conviction, mais on ne nous fera pas croire que la majorité d’entre eux ne sont pas gilets jaunes aujourd’hui. Or en cas d’élections anticipées, la plupart des sondages créditent la droite et l’extrême droite de près de 45% des suffrages…

L’apolitisme, le meilleur allié de l’extrême droite

Quoiqu’il en soit, l’apolitisme revendiqué, la volonté d’être « ni de droite ni de gauche », la dénonciation de l’opposition entre un « peuple » et une « élite » et les théories du complot qui parfois en découlent, la méfiance généralisée envers les médias sont bien présents au sein des gilets jaunes, et autant de points d’ancrage pour l’extrême droite, qui laboure ces thématiques depuis bien longtemps.

L’opposition d’un centre (le « système ») et d’une périphérie (tous les courants qui les combattent quelques soient leurs divergences idéologiques) était déjà une idée déjà présente au sein du courant nationaliste-révolutionnaire, mais cette idée connaît aujourd’hui une nouvelle vitalité, beaucoup oubliant au passage que les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis (contrairement à ce que prétend Eric Hazan). C’est donc sans surprise qu’on voit ressurgir des personnalités comme Étienne Chouard, qui refuse de reconnaître le danger que représente l’extrême droite parce que cela rentre en contradiction avec son projet de démocratie intégrale. De même, présenter le référendum d’initiative citoyenne (RIC) comme la solution miracle à tous les problèmes est en soi un problème.

[Photo : Boris Horvat]

De même, refuser de considérer comme un problème le nationalisme assumé des gilets jaunes à travers à la fois des symboles et une façon de se définir (« les Français ») est d’autant plus dangereux que, en particulier sur les réseaux sociaux, cette identité nationale est non seulement interclassiste, mais également construite contre un cosmopolitisme associé dans l’esprit des gens au capitalisme sans frontière. Or c’est justement ce que l’extrême droite défend, comme Civitas qui appelle à « l’union sacrée contre l’ennemi commun du peuple : les représentants du système mondialiste et cosmopolite. » 

Le point de départ même du mouvement, la dénonciation des taxes sur le carburant, rejoint deux luttes dans lesquelles la légitimité de l’extrême droite est incontestable : la lutte contre la fiscalité et la défense des automobilistes. De la Ligue des Contribuables des années 1980 en passant par le Mouvement Anti-Radar des années 2010, ce sont toute une myriade d’associations, souvent ultra-libérales et toujours dirigées par de vieilles têtes de l’extrême droite, qui dénoncent le « trop d’impôts » et l’entrave à la « liberté de circuler ». Le Rassemblement National, y compris au temps où il s’appelait Front national, a toujours caressé les automobilistes dans le sens du poil, dénoncé la « pression fiscale » et prôné un désengagement de l’État. Dans ce sens, si les gilets jaunes se contentent d’être un mouvement de grogne contre l’Etat, dont le principal souci est le maintien d’un certain style de vie à travers la défense du pouvoir d’achat, quoi qu’il en coûte à la planète, bref, si l’individualisme et la défense des intérêts particuliers l’emportent sur la justice sociale et le bien commun, l’extrême droite saura apporter des solutions séduisantes.

Une revendication qui reste encore très minoritaire chez les gilets jaunes…

On peut également souligner que ces revendications interclassistes sont le fruit d’alliances contre-révolutionnaires, tout particulièrement en ce qui concerne celle des ouvriers et des patrons. Il est vrai qu’on peut se contenter de les comprendre comme le résultat d’une stratégie opportuniste. Mais n’étant pas, ou peu, représentative des rapports sociaux à l’œuvre dans notre pays, cette stratégie ne peut être porteuse de perspectives enthousiasmantes pour le camp révolutionnaire…

La question des migrants comme ligne de fracture

Enfin, il est frappant de voir que les migrants sont pour le moment les grands absents des mouvements « insurrectionnels » des derniers week-ends, pas seulement en tant que personnes, mais dans les slogans, sauf parfois pour les dénoncer, heureusement à la marge. Même chose pour les précaires, les chômeurs et les habitant.es des quartiers populaires dans une moindre mesure, car certains se sont fort heureusement invités dans le mouvement, pour mettre en avant que les difficultés des uns sont aussi celle des autres. Mais en attendant, nombre de gilets jaunes défilaient en continuant à dénoncer les « assistés » de la société… 

Si les valeurs portées par le mouvement des gilets jaunes étaient clairement l’égalité et la solidarité, le rejet des migrants ne pourrait plus fonctionner. Or, cette semaine, la cyber-mobilisation d’une grande partie des gilets jaunes sur les réseaux sociaux autour « du pacte de Marrakech » a mis en lumière une vision complotiste de ce pacte « secret » et une perception de la présence des migrants comme un coût pour la société, un impôt supplémentaire.

Le 20 novembre, six migrants cachés dans un camion-citerne sont dénoncés par des gilets jaunes à un barrage situé à Flixecourt, dans la Somme.

De la même manière, certaines des revendications présentes dans le document diffusé aux médias par les Gilets Jaunes le 29 novembre dernier ont de quoi nous inquiéter : « Que les déboutés du droit d’asile soient reconduits dans leur pays d’origine », « Qu’une réelle politique d’intégration soit mise en œuvre », « Que les causes des migrations forcées soient traitées »… Une certaine bienveillance y côtoie la xénophobie ordinaire en toute ambiguïté.

Aussi, le point de rupture au sein des gilets jaunes, et aussi avec une partie des forces anticapitalistes et antifascistes, sera certainement sur cette question.

La Horde

Notes   [ + ]

1. Note de Grozeille : Génération identitaire s’est aussi mis en tête d’une manif de gilets jaunes à Paris le 1er décembre.

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