Jeunesse de poèmes
Grozeille balance ses rimes. De la poésie, parce qu’il y a des vérités particulièrement timides et chatouilleuses qu’il faut prendre par surprise ou abandonner.
Méthode
Passe tes doigts mouillés,
Autour de mes vers,
Pour les faire résonner,
D’un son aquilin.
Appuie plus fort pour les faire exulter.
Ils se briseront,
Pour que tu saignes,
Enfin.
Pupille
Dans les moments courage,
Tu invites la misère chez toi,
Jusqu’à ce qu’elle serpente le blanc de tes yeux.
— Le regard flaque des vrais courageux.
Où sont les aveugles qui ne l’ont pas oublié ?
Entrechats
Il y a des cabanes de chair humaine
Pour abriter les derniers vivants,
Savent-ils encore comment danser ?
Les tierces, les étreintes ? Et les quintes
De tout ?
Typhon
Dans leurs phrases en forme de courant,
Nous nous sommes noyés.
Nous avons perdu la mémoire.
Les bocaux sont bleus comme le monde.
Liquidité
Et vainement :
Des voiles de souffrance,
Des litres débiles,
Des barbes séniles,
Et jamais d’évènements !
Oracle
Le monde est-il jeune, il ne sonne plus ?
Déconstellés
Il y a des caravanes désastrées,
Dérivant jusqu’au fond des eaux,
Sans étoiles et sans marins,
Les laines seules et désaxées.
Sainteté
Entre père et mère,
Le fils sans esprit
Amène la folie,
Au sein du nom qui n’en finit pas.
Économie
Demain, nous irons vendre notre virginité,
Mais jamais nous ne rembourserons les fils rompus.
Sieste
Les gens se sont fourrés dedans leur lie
Pour y piquer un dernier sommeil, las.
Mais les couettes s’effilocheront,
Découvrant des cadavres nus et froids.
Éclats
Il y avait un arbre de couleur rouge
Mais on lui a mis du béton dessus,
Comme ça le monde a éclaté sans rire
Et les racines bouffées par les vers
Ont pourri.
Rupture
« Quand tu lui as offert tes pierreries
Il les a aimées,
Puis il t’a oubliée. »
Prophètes
Les passeurs sur les veines terreuses,
Attendrissent le nerf de la guerre,
En ahurissant les filons idiots,
Qui croupissent dans les tranchées.
Épiderme
Elle avait des mains paysannes,
Des refuges de sillons, des torrents mélodieux,
Des caresses vivantes.
J’abhorre
La peau sans aspérité.
Muettes
Les yeux rivés
Comme des revolvers sur la grève,
Tirent pour le silence,
Là où hurlent les mouettes.
Sur l’eau.