Culture impopulaire

Vers Mugissants

Nous tentons une nouvelle fois cet étrange outrage : publier des poésies sur un « blog » internet. Nous sommes convaincus que les textes ne valent rien s’ils ne se frottent pas aux énergies de la vie. Et celles-ci courent de nos jours plutôt sur le net et dans les villes, que sur les étagères défraîchies des bibliothèques. Voici donc les quelques vers que nous envoie un lecteur poète de Grozeille, sans doute inspiré par l’époque. Tout porte à croire que l’intensité de la saison échauffe nos fibres littéraires.

# Barricade

Je suis née un fameux soir de tempête
Où gouttes de pluie se sont mêlées aux pavés
Aux cieux de la rage, peuples et conquêtes
Tous les éléments pour ma vie embrasée

D’un assemblage de taule, de bois, de colère
Nourrie d’injustices qui ne se tolèrent
Je naquis sur les routes et sur les avenues
Les flammes de la révolte aux cœurs déchus

Mon esprit en brasier, en faim insatiable
Réclame d’avantage de bois et de rage
Aux flammes qui s’élèvent, l’émotion instable
Seule l’eau de source pourra me rendre sage

# La Bourse ou la Vie ?

Voici le pire des scénarios d’Halloween
L’odeur de soufre remplissant mes narines
La fête des morts porte désormais son nom
« La Bourse ou la Vie ? » Mais quelle infâme question !

Vous pouvez ranger tous vos masques terrifiants
Et profiter de ces quelques friandises
L’horreur est à une autre échelle maintenant
Le cauchemar grandit, il se capitalise

Elle est comme une question d’actualité
Une croissance pour quelques mains sanglantes
Elle est comme source des inégalités
Aux mains du pouvoir, une planète brûlante

# Un conte de feu

Comme un premier jour du mois, et hors saison
Aux heures pluvieuses, une atmosphère de plomb
Aux muscles tendus, une chair à fleur de peau
Villes grisées, gilets solaires sur le dos

Le bruit des plaques traînant sur le bitume
Pour ces dizaines de barricades à tenir
Ces masques, ces cagoules noires et cette brume
Banques en feu, odeur d’insurrection à venir

Voitures retournées, chaos organisé
Les avenues sont prises, un arc a triomphé
Aux flèches de la colère des cieux pourfendu
Rêver d’un monde meilleur n’est plus défendu

# Coeur de Congo

Il existe quelque part un pays concentrant
Les oxydants du monde composés de diamants
Les ressources pour le confort de quelques uns
Un bonheur porté et du sang sur les mains

Paradis et enfer se nomment Congo
Aux trésors enfouis, un pays sous tutelle
A l’ombre des grands arbres, un cœur pris en étau
Un silence de mort et du plomb dans l’aile

Le Congo concentre notre goût de l’argent
Notre amour de tout ce qui est superficiel
L’égoïsme rongeant le monde d’un feu ardent
L’incapacité à comprendre l’essentiel

Au Congo l’Afrique peut se réaliser
Jusqu’à en faire rayonner le monde entier
Nous offrir et partager le mot liberté
Décloisonnant les individualités.

Si le Congo est en paix, l’Afrique…

# Vouloir ne plus vouloir

Comme une vie au présent des plus insatiables
Dictée par l’imaginaire, un monde de fables
Régie par des innombrables envies sans fin
Ventre plein et envies à l’éternelle faim

Le présent est constamment distrait, projeté
Par les attentes d’une vie insatisfaite
Un voile des illusions et des yeux fermés
Une réalité teintée de nos souhaits

La liberté, un bonheur déconditionné
Est comme un grand sentiment de complétude
Vouloir ne plus vouloir en serment scellé
Au sel de l’amour, la joie en habitude

# Invocation

Toutes celles et ceux invoquant les grands mots
Demandant l’acquiècement de la garde des sceaux
D’une main sur le cœur et le menton levé
Prônant haut et fort une façon d’exister

Tantôt se ventant d’être ceci ou cela
Prétendant cotoyer la vérité en soi
De la leçon de morale jusqu’aux reproches
Du jugement clair et fluide comme l’eau de roche

Parfois nous invoquons de très hautes vertus
Tel le plus beau discours jamais entendu
Et pourtant dans les faits voilà un grand écart
Pendant un instant, la cohérence au placard.

Les grands mots sont des appels, des invocations
Pour combler nos vides, nos désirs d’incarnation
Celles et ceux qui se sont tu, ont su ces vertus
Qui découlent de leurs êtres et leurs actes comme jus

# Nous regarder penser

D’un jeu d’observation et de curiosité
D’un mélange d’amusement et d’écoute
D’une douce attention hors de nos pensées
S’ouvre la beauté humaine en clef de voûte

Nous sommes si fascinants ! Semblons débordés
Comme les victimes de l’imagination
Nous exprimant, nous sommes tels des possédés
Incarnant nos mots par des gesticulations

Détenteurs d’une pensée qui nous dépasse
Nous sommes si beaux, si touchants et attachants
Au soleil de notre esprit, nos yeux se perdant
Jouant avec l’invisible qui se prélasse

# A la dérive

Comme un navire à la dérive perdu en mer
Portant les voiles de nos souvenirs glorieux
Un corps de bois mort ne rêvant que de terres
Aux espoirs déchus, échoués à mille lieux.

Egaré sur les eaux de l’infini pensée
Naviguant à l’aveugle en quête de clarté
Nos fantômes et démons en équipage
Méandres du doute en unique voilage.

A la dérive, les vices à notre merci
Ils nous chuchotent, nous murmurent leurs envies
L’appel des phares prend une teinte livide
Lumières vidées, par des ténèbres avides

Sous les serres, les crocs, l’étreinte de la pensée
Et ses boucles se répétant à l’infini.
Sans une beauté pour la rendre abasourdie,
Lointains paraissent les rêves de liberté

A la dérive, et la vie en pain rassi
Nos joies ne sont rien de plus qu’un ciel assombri
Sourire teinté de tristesse aux yeux vitreux
L’Être heureux comme le plus lointain de nos vœux.

# Semer des graines

Semences d’idées, graines d’envies ou de pensées
Sentences de germes, douceur verte d’une tige
Comme une pluie de graines, un esprit inspiré
Des bourgeons plongeant dans des cieux sans vertige

A terre un jardin blanc, vide et fertile à tout
Où amour et patience sont de grands atouts
Portant les graines de nos rêves à réaliser
A nous et à nos mains de se mettre à pousser.

Toute idée est une graine qui peut se planter
Elle peut germer, pousser, grandir et puis fleurir
Elle ne souhaite qu’une terre où s’épanouir
Faire dans la matière, ou l’idée concrétisée

La graine devenue plante se nourrie de l’eau
En puise l’inspiration de l’hêtre ou du roseau
Rosace de l’être, aux vives vertus vertes
Aux fruits de nos œuvres, déguster comme quête

# De l’Amour

Comme particule portant un monde entier
Comme pleurer de joie à en mourir essoufflé.
Comme haleter de bonheur à n’en plus pouvoir
Une fontaine de larmes et un abreuvoir.

Comme un rire où les pleurs ne sont jamais bien loin
Comme un sourire figé aux lèvres embrassées
Comme une extase silencieuse aux yeux fixés
Ou deux contraires rencontrés se tenant la main.

Comme une présence qui comble tout vide
Pouvant rendre l’inébranlable, timide.
Comme une frontière de peau qui s’efface
N’offrant que le meilleur, un moi qui se dépasse

Il est un aimant, un mot pour un sentiment
Portant nos rêves, il nous met en mouvement
Il est si irrésistiblement attirant
Sans frontière, sans limite, la vie se surpassant.

Les mots sont un piège pour l’indéfinissable
Une prison pour la plus douce des fables
Pour cette passion, pour ces flammes ardentes
Pour ce si doux baiser, aux glaces fondantes

Pour ce miel doré, composé d’étoiles
Scintillantes à en faire frissonner nos poils
Un séisme intérieur ébranlant la douleur
Affranchi des peines, un cœur dansant de bonheur

Voici de petits mots, comme grains de poussière
Pour tenter de mettre en forme cet univers.
Cet état créé pour que l’Existence soi
Que se perpétuer, soit un agréable choix.

Il est l’architecte et toile d’araignée
Etoiles tissées, et tresses d’un monde entier
L’aimant maintenant les éléments en ordre
Au fruit d’un présent, un « maintenant » à mordre

Lomnava

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