Situation

Au Chili et ailleurs, étendre la ligne de front

Vendredi 25 octobre plus d’un million de chiliennes et de chiliens sont descendus dans les rues de Santiago, symbole de la révolte d’une ampleur incroyable qui embrase tout le Chili depuis la fin de la semaine dernière [le 17 octobre des étudiants avaient envahi en masse le métro santiagois, 133 personnes avaient été arrêtées] et qui s’est soldée par la démission du gouvernement. Nous avons reçu la traduction d’un appel écrit par un collectif chilien engagé dans les mobilisations. Si l’association du libéralisme et du nazisme nous semble manquer d’analyse, le traducteur nous rappelle opportunément que au Chili, la collusion libéralisme/nazisme prend peut-être un sens plus immédiatement évident qu’ailleurs. Il rappelle en tout cas que, ce que la situation particulière du régime chilien met en lumière, c’est l’affinité forte que peut retrouver l’État néolibéral, lorsqu’il pousse sa logique répressive à ses limites, avec des techniques de gouvernement autoritaires.

Cet appel a été publié le 24 octobre par le collectif chilien Vitrina Dystópica, et co-écrit avec l’ancien militant opéraïste italien Bifo. Face à la multiplication effrénée des lignes de front sur la planète, il rappelle opportunément que tous les soulèvements sont en guerre avec un ennemi commun, le libéral-nazisme, et que la victoire, dans cette lutte, sera au prix d’une mobilisation transnationale inouïe. Tout se joue peut-être maintenant.

La longue et calamiteuse phase néolibérale agonise dans le sang et la violence qui ont marqué sa naissance. La phase néolibérale, caractérisée par le ravage systématique de l’environnement, l’appauvrissement de la vie sociale, la réduction des salaires, la précarité de l’emploi, la privatisation de tous les services publics, l’incitation permanente à la guerre de tous contre tous a commencé en 1973, quand les idéologues néolibéraux d’Amérique du Nord ont eu recours à un assassin du nom de Pinochet pour détruire l’expérience démocratique initiée par Salvador Allende.

Le libéralisme mondialisé,  qui se (re)présente comme une force humanitaire et démocratique, est le produit de la dictature militaire et de la violence autoritaire. Dans les années Thatcher et Reagan, la contre-révolution élaborée au Chili et en Argentine s’est étendue à tout l’Occident sous la forme de la violence économique et de la répression brutale des tentatives de riposte sociale. 

Il ne faut pas oublier que la philosophie du néo-libéralisme repose, fondamentalement, sur les principes mêmes du nazisme hitlérien : la sélection naturelle, le règne de la loi du plus fort dans la sphère sociale, l’élimination de toutes les différences pouvant être établies entre la société et la jungle.

Cette philosophie nazi-libérale s’est imposée dans le monde entier par le truchement de l’élimination des avant-gardes ouvrières et de la restructuration massive de la production ; au moyen de la privatisation de l’école, du système de santé, des transports publics et du noyautage paternaliste des médias.

Quarante années de violence nazi-libérale ont conduit à l’effondrement même des structures démocratiques, à l’épuisement des ressources naturelles de la planète, à la catastrophe climatique et à la diffusion générale de psychopathologies agressives quand elles ne sont pas suicidaires.

Aujourd’hui, nous comprenons que là où est née la folie nazi-libérale, là aussi elle pourrait bientôt s’achever.

Ces dernières semaines, nous avons assisté à une explosion de révoltes diverses, hétérogènes, presque contradictoires : l’insurrection équatorienne, la révolte de la jeunesse hong-kongaise, la vague de manifestations massive contre l’état espagnol en Catalogne, la résistance armée du peuple kurde contre le fascisme génocidaire de l’état turc… Et il devient de plus en plus impossible de proposer une telle liste sans multiplier les oublis. 

À présent vient le soulèvement des étudiants et des travailleurs du Chili, qui a commencé comme une expression de colère contre la hausse du coût des transports en commun, puis s’est transformé en critique massive et pratique de la violence financière, appelant ainsi les étudiants et les travailleurs du monde entier à marcher au côté des enfants qui se mobilisent chaque vendredi contre la catastrophe écologique.

Le capitalisme est un cadavre qui ne cesse de paralyser toute possibilité d’invention, de progrès, d’imagination, d’entraide. On nous dit qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme ; dans ce cas, il nous faut nous préparer à la guerre, au désastre climatique, à une probable extinction de l’espèce humaine.  Mais l’alternative existe : elle implique de surmonter l’obsession économiste de la croissance à tout prix, la redistribution des ressources, la réduction du temps de travail salarié, l’augmentation du temps d’activité libre (enseignement, soin, action solidaire).

Dans tous les pays du monde, il faut à présent montrer sa solidarité avec les insurrections chiliennes, équatoriennes, hong-kongaise, mais surtout descendre là aussi dans la rue, cesser les activités quotidiennes, attaquer les centres du pouvoir économique et financier, construire les structures de reconversion écologique et sociale vitales à l’humanité. Le moment, tant attendu, semble peut-être venu de porter enfin le coup de grâce à un mode de production qui est la mort personnifiée ; de l’attaquer, sans répit, dans tous les pays et tous les lieux du monde. 

En soutien avec les peuples qui, sous nos yeux, se battent jusqu’à leur dernier souffle, en appui aux vies qui se sont mises en jeu pour lutter contre ceux qui cherchent à conserver leurs répugnants privilèges, il faut que naisse une solidarité internationale telle qu’on n’en a peut-être encore jamais vue dans l’histoire, et que, loin des massacres qu’ils semblent ne vouloir cesser de provoquer, s’ouvre enfin une époque nouvelle, un autre temps, une vie enfin digne d’être vécue !

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