Situation

Pour une enquête dans les lieux de soin

L’hôpital va mal, ce n’est un secret pour personne. Quiconque a ces dernières années arpenté les couloirs luminescent des hôpitaux publics a pu le constater : le fond de l’air est lourd, empli de tensions dégradantes. Du côté des patients et de leur famille, on rumine le désintérêt du personnel soignant ou leur méconnaissance des biographies singulières : face à la machine hospitalière il ne reste plus qu’à macérer sa colère et son impuissance ; du côté des infirmiers, infirmières, médecins, ouvriers et ouvrières, c’est l’écrasement ou la dispersion causés par le management au stress et à la performance qui prédomine : tiraillé par des injonctions contradictoires il faut s’enfermer dans sa bulle pour éviter le Burn-out.

Dans cette situation, que faire ? Les solutions anciennes ne semblent plus convenir : les initiatives syndicales s’affaissent face à l’ampleur des réformes en cours ; à l’hôpital comme partout ailleurs l’urgence semble haute, les circonstances frappantes mais pourtant rien ne se passe. Sans doute faut-il alors travailler les énergies de la révolte. Comme nous le faisions remarquer dans un précédent article, c’est là l’une des forces de l’enquête : « créer des passages, partager des expériences, fabriquer des récits collectifs, construire le parti de la multiplicité, cela demande un travail interminable de traduction contre la représentation. Voir avec et non pas à la place des autres ».

« Nous estimons donc tenter une nouvelle approche de la santé, non pas par un biais neuf de connaissances mêlées appartenant aux sciences « exactes » (biologie, physique, chimie, mathématique, statistique, informatique, etc.) et aux « sciences humaines », mais par un biais d’où l’ « observation » nous semble originale, entachée d’une vérité plus englobante, celle de la lutte sociale. »

(Un compte-rendu de discussion au sein du G.I.S, Groupe Information Santé, 1972)

 

Nos établissements de soin deviennent de plus en plus invivables. Burn-outs, dépressions, stress, erreurs, accidents et maltraitances : voilà le lot commun d’un secteur hospitalier, qui se félicite d’implanter des cœurs artificiels, mais qui n’a pas le temps d’accorder une toilette de plus de quelques minutes à un patient. Que se passe-t-il donc pour que, au fil des réformes pour « sauver l’hôpital public et la Sécurité sociale », les mouvements de protestation échouent à obtenir quoi que ce soit, et que les négociations syndicales voient leur marge de manœuvre réduite face aux impératifs de la « bonne gestion » ? « Les grèves sont éparpillées et isolées dans les services, elles ne servent plus à rien, les infirmières et les aides-soignants y perdent plus qu’elles n’y gagnent », nous disait un ami aide-soignant.

Si l’hôpital demeure en France l’institution centrale du soin, il ne faudrait pas oublier que cette situation désastreuse concerne tout autant les nombreux centres médico-sociaux (aide sociale à l’enfance, handicap, personnes âgées dans les EHPAD, addictions, demandeurs d’asile, migrants, sans domicile) et les divers lieux de soin privés, associatifs ou informels où des soins sont dispensés. La grève massive de janvier-février 2018 dans les EHPAD (600 000 personnes y résident, 400 000 y travaillent) a assez montré l’impasse de la logique gestionnaire et de cette forme de lutte aujourd’hui.Pour commencer, il convient de noter que cet état des lieux fait consensus. Partout, les budgets et les effectifs se réduisent comme peau de chagrin. Il n’est donc pas question ici d’en remettre une couche. Notre enquête n’est pas une énième démarche d’indignation ou de dénonciation, devenue le trouble obsessionnel compulsif de tous les mouvements qui agitent les établissements de santé. Un tour de dix minutes dans les médias ou les réseaux sociaux suffit hélas à se faire une idée, d’Envoyé Spécial à #BalanceTonHosto1.

Prenant acte d’une telle situation, il nous semble nécessaire d’établir un espace commun d’échange entre personnels, patient·es, étudiant·es, qu’ils soient dans les hôpitaux ou les centres médicaux-sociaux, afin de préparer les luttes à venir. Tous ces établissements ont déjà subi de nombreuses « restructurations », et celles-ci ne sont pas prêtes de s’arrêter, alors que les projets ministériels ont pour objectif la transition vers un « McDrive hospitalier », visant jusqu’à 70 %  des patients en ambulatoire2 et la réduction drastique des lits. Dans ce climat, les mouvements de protestation peinent à s’organiser. Une infirmière d’un gros service de cardiologie parisien nous faisait récemment part de la difficulté à pouvoir discuter ou se rencontrer, en raison du peu de temps de libre dont celles-ci disposent sur leur lieu de travail. Une autre amie infirmière nous confiait que « le temps de parole est sucré par le passage à l’informatisation. On doit tout écrire et on peut ne rien se dire. » Si la communication est déjà difficile à l’intérieur d’un corps de métier, elle l’est encore plus entre médecins, infirmiers, aide-soignants, sage-femmes, kinés, psys, etc., qui se côtoient pourtant quotidiennement, mais que séparent la division du travail et les hiérarchies. Les différents ordres professionnels consolident ce corporatisme au mépris des patients, l’exemple phare étant l’Ordre des Médecins, célèbre pour ses positions anti-avortement dans les années 1970, et dépositaire de sa propre petite justice arbitraire.

Les syndicats, à l’image de tout le champ syndical, sont en crise. Tout à leurs soucis de cotisations et d’échéances électorales, ils ne parviennent pas à freiner la dégradation accélérée des lieux de soins, et encore moins les inégalités d’accès entre usagers. Leur immobilisme accompagne la déchéance du secteur public, qui non seulement est géré de plus en plus comme une entreprise, mais qui voit aussi chaque jour le privé s’infiltrer dans ses locaux, de la petite sous-traitance à la location de bloc opératoire pour l’exercice privé de certains chirurgiens3. L’organisation des lieux de soin devient peu à peu une question purement technique : celle de la gestion financière. Les syndicats se retrouvent alors assignés au rôle de spectateur, contraints de passer la serpillère après les réformes successives, qui adaptent le système de santé à l’inexorable « ordre des choses ». Bien sûr, certains syndicats et syndicalistes défendent encore corps et âme ceux qu’ils représentent, et nous saluons en eux nos ami·es, mais il faut constater qu’ils restent assez largement impuissants face au contrôle des centrales comme à la détresse du personnel. C’est ainsi que certains syndicats se retrouvent parfois à faire la guerre aux initiatives les plus prometteuses émanant du personnel de santé. Par exemple, l’Association du Personnel des Hôpitaux de Paris (APHP)4, une tentative d’organisation parallèle aux syndicats, s’est heurtée à leur indifférence voire à une hostilité franche au cours de leur guérilla contre la réforme de l’organisation du temps de travail (OTT). Envers et contre tout, les initiatives et la détermination de cette association autonome ont été remarquables, entre un rassemblement à la Pitié qui a affolé les autorités, une nuit de camping dans le hall de l’hôpital Saint-Louis, divers grèves, blocages, coups d’éclat, et un procès en cours avec Martin Hirsch (directeur de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris).

Par ailleurs, n’oublions pas que les soignants ne sont pas seuls. Un ami médecin nous racontait qu’en mai 68, si le personnel de santé s’était facilement mis en grève pour manifester dans les rues, les ouvriers des hôpitaux, eux en revanche, avaient eu tendance à se liguer avec la direction. Nous ne voyons là que la juste rançon d’un mépris et d’une imperméabilité encore aujourd’hui trop courants. Dans l’immense usine-hôpital et dans les centres médico-sociaux, il nous faut aussi rencontrer ces personnes aussi indispensables qu’invisibles : les agents d’entretien, les administratifs, les agents de laverie et les brancardiers, qui au milieu des blouses blanches sont eux et elles en bleu de travail. Oubliés des réformes, des négociations, et des représentations ? Si la situation déplorable de l’hôpital public a bonne presse, les interminables complaintes médiatiques des médecins et des infirmières ne laissent guère de place au personnel ouvrier. Il nous est cependant difficile d’imaginer qu’avec un débit de patient toujours accru, et des cadences de plus en plus soutenues, le personnel non soignant ne se retrouve pas lui aussi à devoir laver plus vite, brancarder mieux, ou travailler plus efficacement. Il y a là des alliances précieuses à construire.

Les patients, dans ce paysage éclaté, sont trop souvent seuls face à l’institution. Un établissement met en place « un parcours de soin » qui suit encore trop souvent la route tracée au staff (réunion de l’équipe soignante), sans que le patient ait été réellement inclus dans les décisions qui le concernent. La question du rôle des soignés reste aujourd’hui l’angle mort de toutes les luttes hospitalières : les patients ont-ils un rôle à jouer ou sont-ils condamnés à rester des individus en situation de vulnérabilité pour qui les décisions sont prises, et donc des spectateurs de l’affrontement ? Il y a bien sûr quelques associations de malades qui siègent dans les conseils, mais celles-ci sont le plus souvent des associations de malades chroniques, qui bénéficient d’une éducation thérapeutique avancée (il n’est pas rare qu’un insuffisant rénal chronique explique à un externe quand faire les créatininémies et les dialyses avant de se faire interroger par son chef de clinique) et représentent ainsi une sorte d’avant-garde dans les mouvements de défense des patients. De plus, comment envisager des relations sur une base commune entre patients et soignants, alors même que les relations d’asymétrie sont déjà présupposées par des rapports de soin qui privilégient le jargon « objectif » du médecin ? Que dire enfin de la psychiatrie, où des lieux de soin prestigieux n’ont parfois rien à envier aux images les plus dures rapportées par l’antipsychiatrie des années 60, où les patients décrivent des parcours de soin à rallonge, des efforts infinis pour trouver des praticiens dont les traitements sont dignes ?

Dans ce contexte catastrophique, nous, étudiants en santé ne sommes pas prêts aujourd’hui à prendre part aux luttes hospitalières, que cela soit par manque de temps, par résignation, désintérêt, ou de peur d’être grillés par les directions. Chez les étudiants en santé, réprimer sa sensibilité pour devenir « pro » en encaissant un salaire de misère est une discipline de tous les instants5. Il n’est plus un secret pour personne que les étudiants en médecine par exemple sont relégués, le temps de leurs études, au rang de braves petits soldats de l’hôpital public : 9h-13h à l’hôpital, et puis le reste de l’après-midi sur les bouquins. Un tourisme hospitalier de trois mois dans chaque service, avec toujours la même position de subalterne, de demandeur, ou de grand humaniste se préparant à la plus belle profession du monde. Il nous semble vain de parler d’ « éthique » sans porter attention à la vie qui est faite aux travailleurs du soin, une vie qui finit trop souvent par les amener sur le lit des gens qu’ils soignent. Dans ce contexte de ruine des institutions publiques, nous ne pourrons pas empêcher le grand exode des soignants vers les cliniques et les centres privés, où il ne faut pas avoir le malheur d’être pauvre et malade en même temps. Il est grand temps que l’on s’extirpe du carcan de la « neutralité » : la position de soignant ne la suppose nullement ; au contraire, il nous semble plutôt qu’elle exige un souci de la situation et une certaine amitié, avec les soignés comme avec les soignants, dont les positions sont plus poreuses qu’on ne le pense.

Or, la technicisation du soin, à travers les « scores », l’imagerie, les algorithmes de décision, donne de plus en plus un caractère automatique et machinal à la relation entre soignant et soigné. Tout ce qui se joue de personnel, ou plutôt de commun dans la relation de soin s’évapore comme un surplus inutile, incompréhensible, qui ne participe aucunement à la guérison, et qui parasite la procédure. Alors que l’on pleurniche sur la disparition de l' »empathie », les ingénieurs et les directeurs ont bien raison de se frotter les mains en imaginant les bénéfices de l’intelligence artificielle, qui se substituera aisément à des soignants déjà robotisés. Contre ces machinations, il nous faut redécouvrir sans cesse qu’aucune relation de soin ne rentre dans le cadre étroit des statistiques et des schémas thérapeutiques. Forcément, cette attitude implique une attention particulière à tout ce qui est et restera inexplicable, imprévisible, insaisissable dans les termes de l’evidence-based medicine [médecine scientifique fondée sur les preuves].

Nous voudrions au contraire d’une médecine où le soignant, loin de verrouiller l’expérience du patient par des procédures techniques, l’accompagnerait vers une manière d’aménager la maladie qui lui est propre. Cette idée mériterait bien des développements, mais résumons-là en disant que, pour nous, la relation de soin est un effort commun vers l’autonomie, c’est-à-dire vers le choix de ses dépendances. On peut préférer mourir chez soi et mourir plus tôt ; on peut préférer ne pas se soigner, ou se soigner avec des substances illégales. On peut choisir l’hôpital sans la charité, c’est-à-dire sans l’infantilisation qui va souvent de pair avec une expertise chirurgicale pourtant précieuse. Beaucoup de choses peuvent s’apprendre et ne pas être déléguées à des instances extérieures. Ainsi, la relation de soin suppose que l’on travaille à la disparition de la position de hauteur du soignant, et donc à la diffusion des savoirs : il nous faut produire des supports de savoir accessible à toutes et tous. Toutes les initiatives qui fleurissent hors du cadre de l’institution en ruine nous intéressent et nous concernent, des street medics (militants qui apprennent les soins d’urgence), aux groupes d’entraide mutuelle (GEM), en passant par les pratiques extra-légales, qui comme l’avortement jadis au sein du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), mériteraient d’être diffusées dans le cadre de mouvements sociaux : automédication, euthanasie en fin de vie, ou insémination chez les couples homosexuels, par exemple.

Quelle est donc cette enquête que nous voulons mener, nous, étudiants en santé ? Il serait inutile de vouloir à nouveau recenser tous les abus devenus normes, les conditions de travail qui rendent les soignants malades et les patients mal guéris, ou les dérives de l’institution face à des usagers impuissants. La démarche d’enquête sera donc la suivante : tracer les lignes, les possibilités, les hypothèses stratégiques d’une lutte victorieuse dans les lieux de soin. Vers quoi cette lutte doit-elle mener ? Ce n’est pas à nous de le dire. Il va de soi que nous avons quelques idées et principes : l’autonomie du personnel de santé et des soignés concernant l’organisation des soins, l’abolition des hiérarchies inutiles, une répartition du travail plus juste qui ne soit pas un prétexte pour diminuer les coûts, des moyens financiers et humains plus importants pour le secteur du soin, et le contrôle de ces moyens par les principaux concernés (soignants et soignés). Mais il ne s’agit surtout pas d’écrire un programme. Les programmes foisonnent depuis longtemps et les soignants comme les soignés sauront faire preuve de créativité. Pour l’heure, le conflit reste à construire, et il nous faut partir d’abord de l’évidence commune du malaise qui paralyse les établissements de santé. Comment faire plier les directions, comment trouver les moyens pour s’organiser, où peser de tout notre poids, où porter les coups, pour entrevoir de nouveau la simple possibilité de changer les choses ?

L’enquête entreprise ici n’est pas un travail de synthèse, de recensement, d’observation, elle se veut production de récits, de techniques, d’expériences, en vue d’élaborer une stratégie commune de résistance. Comme le dit Josep Rafanell, qui a travaillé longtemps dans et sur les institutions de soin : « L’enquête est […] une pratique de transmission dont la vérité se trouve dans les effets et non pas dans des causes à dévoiler. […] Il ne s’agit pas de représenter une  situation, ni un état du monde, mais de porter notre attention aux conséquences que produit l’intervention de l’enquête. Qu’est-ce qu’une enquête sinon une rencontre ? »6

Notre enquête devrait s’organiser concrètement autour de rencontres avec les personnes qui travaillent dans les établissements de soin, qu’ils et elles soient soignants, ouvriers ou employés. Nous ferons le point avec les syndicalistes et les organisations du personnel qui sont au coeur des luttes dans les établissement de santé. Et puisque la relation de soin implique autant les soignants que les soignés, nous irons également à la rencontre des patients et de leurs associations. En outre, nous discuterons avec tous ceux et celles qui produisent un savoir sur les soins (ses établissements, ses histoires, ses aspects sociaux) qui soit utile aux luttes. Enfin, nous ne nous limiterons pas aux hôpitaux publics, mais nous visiterons aussi les centres médico-sociaux, les laboratoires, les soignants du travail, ainsi que ceux et celles qui prodiguent des soins informels, que cela soit au cours des luttes ou au sein de groupes politiques et affinitaires. A l’heure où nous publions ce texte, nous avons commencé à retracer l’histoire du Groupe Information Santé qui fut actif dans les années 70 pour défendre l’avortement et les ouvriers, nous avons rencontré des soignants d’un institut médico-éducatif et de l’APHP (Association du Personnel des Hôpitaux de Paris).

Si les grèves dans le milieu du soin sont inefficaces, c’est parce nombre d’établissements de santé ne peuvent s’arrêter de fonctionner sans mettre en danger leurs patients. Le service minimum doit être garanti, et en réalité, il est déjà en place avec la réduction permanente du personnel. A l’hôpital, il semblerait qu’il y ait quelques pistes dans le blocage collectif des cotations des actes de soin qui servent à assurer les financements des hôpitaux. Mais cela ne reste pour nous que spéculatif. Il est en tout cas clair que là où nous allons, la situation est tiède depuis longtemps : les soignants cultivent depuis longtemps l’indignation sur leur lieu de travail, et ce de manière massive. Les techniques de résistances variées qui s’y inventent restent isolées, et l’enquête devrait servir à les faire se rencontrer. A nous, maintenant !

Evidemment, lecteur, lectrice, il faut que l’on se rencontre : écrivez à enquetesante@protonmail.com

Quelques étudiant·es en santé.

Notes   [ + ]

1. Voir : l’Envoyé spécial du 09/07/2017 qui présentait les méfaits du « lean management » et qui avait fait grand bruit ; le documentaire « Burning out, dans le ventre de l’hôpital » diffusé sur Arte ; le mouvement #BalanceTonHosto/EHPAD sur les réseaux sociaux : https://seenthis.net/messages/663119
2. http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/10/a-l-hopital-saint-louis-le-recours-a-l-ambulatoire-oblige-a-etre-plus-efficient_5239864_3224.html
3. https://www.challenges.fr/magazine/la-verite-sur-les-consultations-privees-a-l-hopital_347287
4. Voir le site officiel de l’APHP : https://a-p-h-p.jimdo.com/ ; et ce rapide descriptif de leurs actions : https://www.leetchi.com/c/association-de-association-du-personnel-des-hopitaux-de-paris pour le procès avec Hirsch
5. https://grozeille.co/notre-medecine-oublie-le-soin/
6. Josep Rafanell i Orra, Fragmenter le monde, éd. Divergences, 2018, pp.67-68.

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