« Ne vous suicidez pas. Rejoignez-nous ! »
Les flics, vaste problème. Les mouvements de contestation en tout genre n’ont pas eu besoin d’attendre Michel Foucault pour comprendre que la police était liée indissociablement à l’exercice répressif du pouvoir. Dès lors que l’État a prétendu faire porter son hégémonie sur des millions d’âmes, dès lors qu’il s’est mis à édicter nationalement les droits, les devoirs et à étendre les conditions du maintien de son ordre social et économique, le remplacement de l’armée par la police est devenu inéluctable. Les militaires étaient encore trop solidaires de leurs compatriotes — l’intervention de l’armée s’est toujours relevée incertaine. Une meilleure solution était de prélever la force physique du peuple et de définitivement l’en extraire.
Depuis, la fonction sociale de la police ne fait aucun doute. Et seuls les nigauds s’indignent quand les tags antiflics fleurissent sur les murs dégazés des villes. Mais l’on connaît aussi la célèbre intervention de Pasolini qui, grincheux mais vérace, s’émouvait qu’en 68, des rejetons de bourgeois révoltés fassent pleuvoir des pavés sur les fils de paysans et d’ouvriers qui avaient, à l’autre bout de la rue, revêtu leurs tenues policières.
La résolution de l’équation est pourtant simple. Un participant bien malicieux à la manifestation du 16 mars tenait à rappeler à nos bons lecteurs qui détiennent le monopole de la violence légitime (gageons qu’ils sont nombreux !) que les sourires ne sont qu’à un pas. La chose est claire : les rêves et la joie sont de l’autre côté de la barricade. Entre le 1er et le 22 janvier 2019, on ne comptait pas moins de 10 suicides dans les rangs policiers, soit un tous les deux jours, prouvant que même les flics détestent la police. Alors, plutôt que le suicide…
Edouard Philippe, dans l’état crépusculaire du macronisme, suite aux conciliabules avec son parrain en chef de retour précipité des neiges, tel un Yéti égaré, dont nous ne connaissons la part de réalité ou de légende mais dont le légendaire sens d’irréalité s’est solidement installé, a décidé de virer le préfet Delpuech comme un malpropre, en attendant le prochain départ de Castaner et probablement son propre départ et ainsi de suite. Ceci fait partie de ses annonces de lundi soir. Il s’en est suivi lors de la conférence de presse quelques avertissements : intervention des soldats de l’armée, interdictions de manifester, sanctuarisation des quartiers riches, carte blanche donnée aux policiers pour tirer à loisir et s’organiser en meutes lors des prochaines manifestations. En attendant l’application de la loi anti-manifestations.
On a vu samedi dernier des policiers harnachés en robocops boxer sauvagement des manifestants. Des témoignages évoquent une voiture de la police roulant à 90 km/h dans des ruelles du Sentier, poursuivant et heurtant des manifestants. On a pu voir les nouveaux voltigeurs tirer à l’aveugle sur la foule éberluée des Halles avec des LBD.
Mais on sait aussi par des syndicats de police éplorés le taux faramineux de suicides dans ce corps d’Etat. On évoque depuis le début de l’année 20 suicides dument répertoriés. L’année 2018 ce fut une hécatombe. Ceci sans compter la hausse de suicides chez les gendarmes. Et les homicides volontaires ou involontaires entre les policiers eux-mêmes
Lors de la dernière manifestation du 16 mars, des manifestants compatissants remplacèrent le cri bien connu adressé aux badauds: « Ne nous regardez pas, rejoignez-nous ! », par un nouvel appel de sympathie lorsqu’ils croisaient les forces de l’ordre : « Ne vous suicidez pas, rejoignez-nous » !
On tient à faire circuler cette vidéo d’encouragement et de fraternité. Cela se passe-t-il à Marseille ? A Toulouse ? Dans les Champs Elysées parisiens ? Les sourires des policiers sont radieux.