Quelques semaines après la victoire contre l’aéroport de NDDL, quelques semaines avant le renforcement de l’occupation à Bure (3-4 mars) : c’est le moment qu’a choisi le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb pour lancer l’évacuation des occupant·es du Bois Lejuc (Bure). Le jour même où le secrétaire d’Etat Sebastien Lecornu est censé rendre visite aux occupant·es et aux élus.
Bure est, rappelons-le, une « zone à défendre » (très différente de NDDL néanmoins) contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires nommé Cigéo. Ce projet a) est dangereux de l’aveu même de l’Autorité de sûreté nucléaire, b) se fait sans consultation ni débat démocratiques, c) est l’occasion d’alerter tout le monde sur le problème du nucléaire, une énergie sale, extrêmement risquée, qui repose sur l’exploitation néocoloniale de l’uranium, et dont les déchets auront quasiment doublé en quantité d’ici 2030 (en France).
Nous faisons donc suivre ce premier communiqué des occupant.es du Bois Lejuc, qui donne quelques éléments pour comprendre ce qui se passe, et appelle à des rassemblements devant les préfectures à 18h, ou directement sur Bure.
L’évacuation
Ce matin à 6h15 a débuté l’expulsion du Bois Lejuc par 500 gendarmes avec grand renfort de communication de la part du Ministère de l’Intérieur, et les chaînes d’infos en continu branchées sur les images sensationnelles de blindés militaires massés près de ce bois, de cabanes envahies au petit matin, de gendarmes en cagoule munis de tronçonneuse et caméras embarquées…
L’opération, censée mettre à exécution une décision d’expulsabilité rendue l’année passée par le Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, intervient avant l’épuisement des recours juridiques (notamment sur la propriété de l’Andra sur le bois) et avant la fin de la trêve hivernale alors que plusieurs structures d’habitation et d’occupation avaient été installées aux abords et au coeur de la forêt. Alors même également que l’EODRA (association des élus opposés à l’enfouissement) avait domicilié en janvier son siège social dans la forêt. L’Andra ne pourra légalement commencer aucun de ses travaux dans le bois : l’Autorité Environnementale a prescrit en octobre 2017 a l’Andra la réalisation d’une évaluation environnementale avant tous travaux préparatoire, la période de nidification à la mi-mars empêche tous travaux, et l’Andra n’a pas d’autorisation de défrichement.
Comme en 2012 à Notre-Dame-des-Landes, les bulldozers suivent immédiatement les gendarmes, on rase au plus vite les lieux de vie sans laisser le temps de récupérer tous les effets personnels. Déjà suite à une première expulsion du bois en juillet 2016 les machines de l’Andra avaient défriché illégalement une partie conséquente des arbres avant que l’opposition ne réinvestisse et ne réoccupe la forêt à la mi-août 2016.
À cette heure, des arbres restent occupés par plusieurs hiboux. Une vingtaine de gendarmes mobiles sont en bas. Plusieurs personnes ont été interpellées lors de l’opération, ou sont encerclées sur des chemins menant à la forêt, de multiples vérification d’identité ont eu lieu. Au moins une personne a été placée en garde à vue.
Résister partout
Cette expulsion entérinée par le gouvernement Macron intervient dans un contexte de durcissement dramatique du contexte social à l’encontre du monde du travail, des étudiants, des migrant-e-s, etc . C’est la mise en place d’un modèle industriel et social à l’américaine qui précarise, piétine allègrement l’environnement et les populations et s’impose par la force et l’intransigeance. Le président Macron marche dans les pas de Margaret Tatcher: tolérance zéro, le message est clair.
Cette opération foudroyante est avant tout une manoeuvre politique à la mise en scène minitieusement orchestrée pour empêcher que l’abandon de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ne galvanise la résistance partout en France. Une opération pour tenter d’enrayer tout le soutien national qui s’organise peu à peu, avec comme symbole une petite maisonette crée par le comité de soutien de Dijon qui devait être installée dans la semaine, la première cabane d’un comité de soutien. Dans les mots décharnés de la Préfète, c’est « un projet de construction en dur manifestant la volonté des opposants de s’installer durablement ». Nous disons que c’est un mauvais pari. Nous sommes déjà installé-e-s durablement, dans la forêt et partout autour dans les villages que nous habitons, mais aussi partout ailleurs en France où chaque opération de police multiplie les soutiens. Ce matin l’Etat a choisi d’envoyer un signal très fort qui nous confirme que la résistance doit continuer de s’organiser partout en France et au-delà et que Cigéo est un point crucial dans la pérennité d’une industrie nucléaire qui s’impose par la force sous couvert de concertation.
Lorsque nous avons commencé à occuper le bois Lejuc en juin 2016 nous n’aurions jamais imaginé que nous y serions 1 an et demi plus tard, que l’Andra devrait reculer, que des dizaines de comités se créeraient partout en France. Les ministres auront beau jouer le traditionnel jeu de la dissociation sur BFM entre les « méchants cagoulés » à nettoyer d’urgence et l’opposition citoyenne pacifique, ce discours n’a jamais pris à Bure où nous luttons dans mouvement protéiforme et complémentaire. Tous les médias parlent de la « ZAD de Bure », pour mieux créer le parallèle avec NDDL dans l’esprit des gens. Nous avons toujours dit que s’il y avait une ZAD à Bure, c’était celle de tout un territoire, partout, parce que l’horreur atomique et le rouleau compresseur étatique qui la sous-tend ne connaissent pas de frontières quand il s’agit de broyer les existences des gentes et leurs territoires de vie au nom du profit et du contrôle.
La pornographie policière et médiatique des images de destruction et la mise en scène du « retour à l’Etat de droit » ne satureront pas nos têtes et nos coeurs, ne recouvrira pas tout ce qui s’est vécu depuis des années à Bure et tout autour, et ce qui va se vivre dans les années à venir. Expulser le bois Lejuc ce matin, c’est taper et attaquer partout toutes celles et ceux qui sont venu.es sur place par milliers dans les années passées et portent déjà en elleux partout, un morceau de Bure.
Chaque attaque nous renforce dans notre détermination, on ne nous atomisera jamais !
Les rendez-vous
Ce texte est un premier communiqué écrit à chaud, d’autres suivront, d’autres voix, d’autres témoignages. Nous appelons d’ores et déjà :
==> À organiser des rassemblements partout en France ce soir à 18h
devant les Préfecture et ailleurs, déjà :
– à Bar-le-Duc, préfecture, à 18h
– à Paris, 18h30 place Saint-Michel,
– à Nantes, 18h, devant la Préfecture
– À Saint-Nazaire à 18h30 devant la sous-préfecture
– À Blois devant la Préfecture à 18h
– À Toulouse à 18h devant la Pref
– À Rouen à 18h devant la Pref
– À Nîmes à 18h devant la Préfecture
– À à Fougères à 18h devant la sous-préfecture
– À Lyon à 18h devant la Préfecture
– Au Puy-en-Velay à 18h devant la Pref,
– À Longwy à 18h devant la permanence du député 17 route nationale
Villers-la-Montagne
– À Quimper à 18h devant la Préfecture
– etc.
==> À converger à Bure dés maintenant pour celles et ceux qui peuvent
pour soutenir : rassemblement à 16h à Mandres-en-Barrois pour la venue
du ministre Sébastien Lecornu et à la Préfecture de Bar-le-Duc à 18h.
==> À ce que partout des comités de luttes continuent de se créer et
s’organiser pour amplifier encore plus la résistance.
==> D’autres appels et rendez-vous suivront.
Pour coordonner et lister les appels à rassemblement et autres initiatives : écrire à sauvonslaforet at riseup.net et burepartout at riseup.net
Autres communiqués:
– Coordination Stop Cigeo : burestop.eu
– Réseau Sortir du Nucléaire : http://www.sortirdunucleaire.org/Expulsion-en-cours-dans-le-Bois-Lejus
Toutes les infos sur l’expulsion et la résistance sont disponibles sur
manif-est.info (en relai quand vmc.camp crash) / vmc.camp